Pelléas et Mélisande

Design Vidéo / Vidéo scenography

Opéra de Debussy – Livret de M. Maeterlinck
Création à L’Opéra de Bordeaux – Janvier 2018
Direction Musical: Marc Minkowski
Mise en scène: Philippe Béziat et Florent Siaud
Costumes: Clémence Pernoud
Lumière: Nicolas Descoteaux
Création chevelure: François Zajéga
Avec: Chiara Skerath, Stanislas de Barbeyrac et Alexandre Duhamel, Jérome Varniez, Sylvie Brunet-Grupposo, Maëlig Querré, Jean-Vincent Blot.
Tournée: Japon (Kanasawa & Tokyo) été 2018
Prix: élu troisième meilleur évènement de musique classique de 2018 par 38 critiques du magazine “Ongaku No Tomo” (The Friend of Music)

“une infinie poésie” Classic Agenda

Libération

A Bordeaux, une nouvelle production au dispositif scénique original fête le centenaire de la mort du compositeur Claude Debussy.
Chaque nouvelle production de cette œuvre, d’une abyssale profondeur, est à vivre, en coulisse et dans la salle, comme une expérience. Pelléas…, drame lyrique en cinq actes et douze tableaux, est un mystère qui pose des problèmes. Son mystère réside dans le fait qu’on ne connaîtra jamais le fin mot de son histoire. Ce fin mot se trouve d’ailleurs certainement dans le passé : qu’est-il arrivé au père de Golaud ? D’où vient Mélisande ? Et ses problèmes tiennent à des challenges scéniques : le parlé-chanté voulu par Debussy, la donnée physique des cheveux démesurés qui tombent jusqu’au seuil de la tour, celle de la muraille qu’il faut escalader pour espionner derrière une fenêtre, la nouveau-née du dernier acte… autant de défis comparables à la statue du Commandeur de Don Giovanni, qu’on peut affronter au premier degré ou contourner. Quel que soit le dispositif scénique, comment cette nouvelle production circule dans les territoires humides et cahoteux du royaume d’Allemonde ? (…) En appui, une vidéo projetée en fond de scène ou sur un rideau de tulle noir permet de passer certains obstacles. Les cheveux immenses rayonnent sur la toile tels des filaments parcourant le ciel nocturne, tissant une portée où se placeraient toutes les mises en relation, toutes les variables chères à la musique de Debussy. La fenêtre qu’il faut escalader, elle, s’agrandit sur l’écran jusqu’à englober toute la scène, voire la salle, nous faisant complice du jaloux Golaud. De façon monomaniaque, les regards sont au centre du travail vidéo, qui impose avec insistance des paires d’yeux observant le spectateur (à la façon des yeux peints de Dali dans la scène de rêve du Spellbound de Hitchcock). L’œuvre nous voit, nous qui peinons à discerner ses contours. (…) Dans la salle, les spectateurs ne sont plus alors poisseux d’humidité mais engloutis sous des torrents d’émotion irrésolue qui les emportent. Des larmes s’ajoutent de toutes part à la moiteur ambiante. (…)
Les silences qui concluent cette œuvre sont parmi les plus denses qui soient. Tout ce qui s’est produit durant trois heures trouve sa conclusion dans l’inachèvement du vide, l’esprit des protagonistes s’envolant vers les cintres. On ne peut pas ne pas résoudre plus loin. C’est peut-être à cette aune qu’il faut juger la qualité d’une production de Pelléas et Mélisande. Et le silence qui s’est alors emparé de l’Auditorium de Bordeaux était sublime de recueillement.
Guillaume Tion in Libération

Classic Agenda

“Autant le dire sans détours, ce spectacle est une grande réussite. La mise en scène de Philippe Béziat et Florent Siaud est sobre mais d’une infinie poésie. Elle est soutenue par un remarquable travail sur les lumières (Nicolas Descôteaux) et sur la vidéo (Thomas Israël). L’usage de la vidéo, s’il se répand de plus en plus au théâtre et à l’opéra, n’est pas toujours gage de réussite et sert malheureusement parfois de cache-misère à des productions par ailleurs peu inspirées. Ici, bien qu’omniprésente, la vidéo ne sent jamais le simple « geste technique ». Elle figure tour à tour les lieux de l’intrigue dans lesquels évoluent les personnages (l’apparition du ciel lorsque Golaud et Pelléas remontent des souterrains est spectaculaire) mais soulignent également les aspects symboliques de l’œuvre. Parmi les superbes images, on retiendra l’anneau de Mélisande tournoyant lentement dans l’eau, le gros plan sur le regard de la jeune femme lorsqu’elle murmure à Pelléas « C’est que je te regarde » en lui tournant pourtant le dos, et bien sûr l’admirable scène de la tour où la chevelure de Mélisande devient celle d’une comète qui tombe au pied de la tour et enveloppe le corps de Pelléas. Brillante idée qui évite la figuration d’une vraie chevelure interminable (ce qui est parfois grotesque) sans éluder complètement le symbole.”
Laurent Amourette in Classic Agenda

Forum Opéra

“Si le titre n’était déjà pris et tristement célèbre, « le triomphe de la volonté » serait bien la formule idéale pour caractériser cette nouvelle production de Pelléas et Mélisande à l’Opéra National de Bordeaux. Alors bornons-nous à saluer l’audace victorieuse de ses acteurs. On voudrait, pour en rendre compte, donner à sa prose la fluidité, la mobilité, la diversité de la composition de Debussy. Faute d’y parvenir, on dira sans barguigner tout le bonheur que nous a donné la soirée, alors même que nous ne l’abordions qu’avec réticence.” (…)” Un rideau de tulle noir en deux parties amovibles sépare l’espace scénique de la salle. Ouvert ou tiré, ou à peine soulevé, il permet de passer sans interruption d’une scène à l’autre et justifie par la démonstration le choix d’interpréter l’oeuvre en la purgeant des mesures supplémentaires que Debussy avait dû ajouter pour permettre les changements de décor. Il reçoit, ainsi que les panneaux placés à l’arrière de l’orchestre, le flot des images du designer-vidéo Thomas Israël. Certaines visent à représenter le monde physique, comme la dense forêt initiale, ou les flots agités, ou les parois des souterrains, ou encore les hautes salles du château, où les corniches des encadrements se mêlent aux reliquaires, et où des vestiges de fresques peut-être médiévales sont la trace indéchiffrable d’un long passé. D’autres sont plus mystérieuses : illustrent-ils les fantasmes des personnages, ces regards qui semblent les épier, dans cet univers où règne le soupçon ? Il n’est jusqu’à la chevelure qui ne semble naître d’une comète et soit ainsi en correspondance avec les affinités vers Baudelaire et Edgard Poe. Certes, certaines projections peuvent agacer, car l’imaginaire du concepteur semble parfois s’imposer sans nécessité, tant la musique est expressive. Mais jamais elles ne sont en porte-à-faux avec la situation ou le texte, et cela n’est pas non plus un mince mérite !”
Maurice Salles in Forum Opera

Toute la culture

“En faisant déambuler les personnages autour de l’orchestre sur le plateau, voilé parfois d’un tulle noir en guise de rideau, le spectacle imagine cependant une solution originale qui met en avant la poésie singulière de l’oeuvre, et ses sortilèges orchestraux. Les camaïeux noir et gris des vidéos élaborées par Thomas Israël, au diapason de la sobriété scénographique et rehaussés par les lumières de Nicolas Descôteaux, privilégient une conception souvent illustrative des atmosphères et des lieux du drame, des reflets de l’eau à la pénombre de la forêt, du soleil argentique à la O’Keeffe à une plage baignée par le couchant, que vient à peine altérer une foisonnement de lignes en mouvement presque abstraites suggérant la chevelure de Mélisande. L’oeil se laisse happer par ces projections qui ne peuvent étancher cependant les mystères symboliques de Maeterlinck.”
Gilles Charlassier in Toute la culture.com

Classique news

“Placé au centre de la scène, c’est tout autour de ce personnage à part entière qu’est l’orchestre que déambulent les chanteurs-comédiens, tandis qu’un vaste écran en arrière scène et un voile de tulle noire en avant-scène accueillent de nombreuses projections vidéos en noir et blanc (réalisées par Thomas Israël) : celles-ci viennent illustrer – avec beaucoup de poésie et autant de mystère – les atmosphères et lieux du drame : la dense forêt du début, les voûtes de l’antique château, les effets miroitants de la mer ou de la fontaine où s’abîme la bague de Mélisande, etc…
Dans cet environnement simplifié, chaque geste réglé par le duo de metteurs en scène s’impose avec un maximum d’intensité, et c’est par des vivats que les deux artistes seront accueillis au moment des saluts (un fait suffisamment rare pour qu’il soit évoqué ici !).” (…) “ A titre personnel, nous n’avons pas le souvenir d’une équipe ayant aussi bien rendu justice à la musique comme au texte…”
Emmanuel Andrieu in Classique news

Resmusica

“Dans la sobriété d’une mise en scène fantomatique où les costumes « type XIXe siècle » de Clémence Pernoud se fondent, Philippe Béziat et Florent Siaud privilégient la suggestion plutôt que la profusion d’effets. Des troncs d’arbres, les murs du château ou les pierres de la grotte sont ainsi esquissés via des vidéos projetées directement sur le rideau de tulle noir régulièrement tiré pour créer une ambiance vaporeuse, ou sur un large écran noir en arrière-plan. Les regards des différents protagonistes ou le miroitement énigmatique de l’eau, miroir de l’âme ou révélation de sous-entendus dans ce monde trompeur selon les moments, également projetés, accentuent avec parcimonie les effets du drame et installent avec justesse le symbolisme de Maeterlinck. L’omniprésence de cette eau et l’évocation des cheveux de Mélisande dans ses projections d’images (les cheveux ondulent comme des vagues telle la chevelure d’une ondine ou alors jaillissent comme une comète), fait évidemment écho à la production de l’auteur de La Mer et de La fille aux cheveux de lin. Cette fluidité visuelle se transmet par la domination d’un bleu sombre, les lumières de Nicolas Descôteaux matérialisant la bascule entre ténèbres et éclats afin de dévoiler au mieux les passions humaines les plus noires qui ont inspiré Debussy pour cet opéra.”
Charlotte Saulneron in Resmusica