Negatoscopes

2010 / Video / Sculpture

Objets vidéo – Support technique : Thierry Sablon
Avec : Chloé Charles, Malory Crémer
Production : Galerie Charlot.

L’os comme révélateur d’espaces fantasmatique et comme support de mémoire.

Face au temps

Négatoscope, scan 3D, écran HD , lecteur média HD  —76x47x15cm.

M26

Négatoscope,  x-ray, écran HD , lecteur média HD  —76x47x15cm.

Scriptus

Négatoscope, radio, néon — 153x50x12cm.

M26

Négatoscope,x-ray, écran HD , lecteur média HD  — 76x47x15cm.

Mr F

Négatoscope, radio, écran HD, lecteur média HD  néon — 153x50x12cm.

“Là où dans la grotte on tentait, avec Charley Case, de révéler, de mettre en évidence ce qui était ancré dans la pierre, avec Bloody Ideas j’ai révélé le monstre qui sommeille à l’intérieur d’un crâne d’enfant. Bloody Ideas fait clairement référence à l’extrême-droite parlementaire européenne. Je fais littéralement saigner les visages de ces leaders politiques aux idées sanguinaires. Par la suite, j’ai utilisé la même technique pour produire d’autres « négatoscopes modifiés », ces caissons lumineux qui servent à regarder des radios médicales, entre memento mori et images mentales. J’aime bien Facing Time, un beau portrait de couple dans lequel on peut sentir les références à la peinture flamande, et en même temps c’est paisible : des portraits quasi immobiles dans le scan 3D d’un crâne, portraits qui disparaissent l’un après l’autre, parlant du couple mais également de notre solitude ontologique.    Ici je m’inscris dans la structure essentielle de l’être : l’os, qui est aussi notre histoire. Nous vivons dans une époque de consommation amnésique, il y a une négation de ce qui constitue la mémoire de notre être, que ce soit à travers l’évolution sur 20 000 ans du chasseur-cueilleur ou du fœtus jusqu’à notre disparition, et plus encore à l’ère d’Internet. Avec Internet on ne retient plus rien car on croit qu’on n’en a plus besoin grâce aux « mémoires externalisées », mais sans mémoire pas de mise en perspective. S’opère un oubli de l’histoire, du sens, au profit d’une consommation immédiate, émotionnelle, inconséquente et amnésique du présent. Sans doute suis-je d’autant plus sensible à cette obligation de mémoire de par mes origines juives, mais c’est aussi lié à la perte des souvenirs à la suite du décès de ma mère, à 19 ans. J’ai oblitéré une partie de ma mémoire d’elle à cette époque, peut-être par protection psychologique… Tenter de retrouver cette mémoire a certainement eu une influence sur ma recherche artistique qui pointe des lieux de mémoire parfois inattendus, comme les os, les espaces symboliques (l’écriture automatique), et d’autres que je découvre souvent après avoir réalisé l’œuvre. Il s’agit toujours de partir à la recherche de sortes de proto-vérités enfouies en moi, entités sauvages, fugaces, mais que je dois «fixer» dans un cadre signifiant pour pouvoir les saisir, leur donner une forme artistique pour les reconnaître. Il y a cette superbe citation de Michel Serres qui parle du rapport aux morts, mais elle s’applique, je crois, à toute recherche introspective : « Il faut bien un jour ouvrir la porte d’ombre, s’avancer vers les premiers degrés, chercher une lumière pour se reconnaître dans des ténèbres si anciennes que la chair humiliée en a déjà l’habitude.»

- extrait de LA MéMOIRE DU CORPS - Entretien avec Philippe Franck in Memento Body - La lettre vollée 2013 -